
Force majeure? Droits et obligations contractuelles.
Le Québec a été mis sur pause. Mais qu’en est-il de vos obligations contractuelles, des ententes qui lient votre entreprise ? Depuis début mars 2020, le Monde vit une situation nouvelle apportant son lot de difficultés.
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé a qualifié la COVID-19 de pandémie. Dans le but de freiner la propagation de nouveau virus sur le territoire québécois, le gouvernement a mis en place diverses mesures préventives et restrictives. L’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire québécois.
Cet état d’urgence sanitaire autorise le gouvernement à instaurer diverses mesures pour protéger la santé de la population québécoise. Pour cette raison, les rassemblements intérieurs ou extérieurs ont été interdits et la présence physique des employés sur les lieux de travail a été suspendue pour toutes les entreprises québécoises à l’exception de celles déclaréss services essentiels ou prioritaires.
La COVID-19 et ses impacts légaux
Le confinement et la fermeture d’entreprise rendront inévitablement plusieurs obligations contractuelles difficilement exécutables, voire même impossibles à exécuter.
Étant donné la gravité exceptionnelle de la situation sur l’échelle mondiale, nous estimons que la notion de force majeure, aussi connue sur l’expression anglaise « Act of God », sera régulièrement soulevée pour justifier une inexécution d’obligations contractuelles pendant la période de confinement. Certains contrats seront probablement annulés ou les obligations qui en découlent modifiées.
Qu’est-ce qu’un cas de force majeure ?
La force majeure est un concept juridique qui requiert des circonstances exceptionnelles et extraordinaires. L’article 1470 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.) définit celle-ci comme étant un événement imprévisible et irrésistible. Autrement dit, « la force majeure est définie par cet article comme un événement que le débiteur ne pouvait prévoir, auquel il ne pouvait résister et qui a rendu impossible l’exécution de l’obligation »[1].
Imprévisible : Il faut démontrer que l’évènement n’était pas « normalement prévisible », au moment où le contrat a été conclu. La date de formation du contrat est donc essentielle pour déterminer la prévisibilité d’un événement.
Irrésistible : Malgré que tout ait été mis en œuvre pour fournir l’exécution de l’obligation (en d’autres mots vos engagements), cette exécution n’a pas été possible. « L’événement invoqué comme force majeure doit être tel qu’il empêche l’exécution de l’obligation d’une manière absolue et permanente; celui qui rend l’exécution simplement plus difficile, plus périlleuse ou plus coûteuse pour le débiteur ne tombe pas dans la catégorie des cas fortuits »[2].
Moyen d’exonération de responsabilité
Le premier alinéa de l’article 1470 C.c.Q. précise ce qui suit :
« Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer. »
Ainsi, une personne qui n’a pu exécuter son ou ses obligations en raison d’une force majeure ne sera pas responsable des préjudices causés à autrui par cette inexécution, qu’il s’agisse d’une relation contractuelle ou non.
Par contre, il est bien important de vérifier l’ensemble d’un contrat afin de déterminer s’il contient des dispositions qui identifient spécifiquement quelle partie aura à assumer les dommages découlant d’une situation qualifiée de force majeure. Ainsi, si une des parties au contrat garantit un résultat, il ne sera pas utile d’invoquer que le résultat n’a pu être obtenu en raison d’un cas de force majeure.
Possible extinction de l’obligation
Le Code civil du Québec prévoit la possibilité d’être déchargé des obligations rendues impossibles en raison de cas de force majeure.
Article 1693
Lorsqu’une obligation ne peut plus être exécutée par le débiteur, en raison d’une force majeure et avant qu’il soit en demeure, il est libéré de cette obligation; il en est également libéré, lors même qu’il était en demeure, lorsque le créancier n’aurait pu, de toute façon, bénéficier de l’exécution de l’obligation en raison de cette force majeure; à moins que, dans l’un et l’autre cas, le débiteur ne se soit expressément chargé des cas de force majeure. La preuve d’une force majeure incombe au débiteur.
Article 1694
Le débiteur ainsi libéré ne peut exiger l’exécution de l’obligation corrélative du créancier; si elle a été exécutée, il y a lieu à restitution. Lorsque le débiteur a exécuté son obligation en partie, le créancier demeure tenu d’exécuter la sienne jusqu’à concurrence de son enrichissement.
Selon l’article 1693 C.c.Q., il est donc possible dans certaines circonstances d’être complètement libéré de son obligation. Il s’agira de cas où l’exécution de l’obligation est tout simplement impossible en raison de la force majeure. Ainsi, un critère s’ajoute : celui de l’impossibilité d’exécuter une obligation, même pour le futur.
L’article 1693 C.c.Q. ne trouvera pas application si l’exécution de l’obligation est uniquement retardée par la force majeure. L’article 1694 C.c.Q précise les droits des parties lorsque l’obligation avait déjà été remplie en partie, une restitution devra avoir lieu en proportion de ce qui a été exécuté.
Conclusion
Dans la situation actuelle du COVID-19, nous estimons que la force majeure pourra certainement être soulevée afin de limiter la responsabilité des parties à un contrat confronté à l’impossibilité de remplir leurs obligations.
Chaque situation comporte son lot de particularités. La situation actuelle est exceptionnelle et évolue constamment. Nous vous recommandons donc de consulter un avocat afin de faire l’analyse de votre situation.
Nous recommandons également de bien documenter toute situation en lien avec l’inexécution, le retard, le non-respect de tous engagements ou contrats.
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[1] Jobin, P.-G. et Vézina, N. Motifs légaux d’exonération Les obligations, J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, 7e édition par P.-G. Jobin et N. Vézina, 2013 2013 EYB2013OBL128, para 844.
[2] Idem.
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